Furat, une journaliste exilée nous parle de sa Syrie
Article mis en ligne le 8 mars 2016
dernière modification le 19 mars 2017

par classe de 1ARC de 2015-2016


Furat en arabe cela signifie « l’eau pure », c’est aussi lautre nom de l’Euphrate, un long fleuve qui sillonne la Syrie et l’Irak. Furat est journaliste. Elle a fuit la Syrie en guerre et a trouvé exil à Orléans avec ses deux enfants. Elle nous a rendu visite et a expliqué la situation en Syrie à une classe d’Accueil-Relation clients & Usagers. C’est Marie Hevin, professeur de STMS, qui nous a servi d’interprète.
Avant cette guerre, la Syrie avait déjà connu des moments de conflits. C’est un pays riche grâce au pétrole, ce qui fait que les pays voisins ont déjà essayé de s’accaparer ses richesses. Mais, en général, les gens y vivaient bien, profitaient du climat agréable et ce pays était en paix depuis une longue période.

Cela fait 4 ans que la guerre a commencé en Syrie. Le conflit a éclaté lors du printemps arabe. Au vu de ce qui se passait dans d’autres pays arabes, des intellectuels syriens se sont révoltés à leur tour parce qu’ils souhaitaient un pays démocratique et laïque. Les pays arabes n’ont pas trop l’expérience de la démocratie et ne savent pas comment faire face à une population qui se rebelle. Du coup, l’état n’a pas réagi comme il aurait fallu. A l’origine, c’était une révolution pacifiste menée par des écrivains et des intellectuels qui voulaient se libérer de la dictature. Malheureusement, ils ont été récupérés par des pays voisins qui avaient un autre objectif et le peuple syrien qui n’avait pas l’habitude de la liberté s’est laissé entraîner dans un conflit plus violent et c’est devenu une guerre civile.

Maintenant, le peuple syrien subit une guerre de religion qui n’a rien à voir avec ses intentions de départ. Les pays voisins ont essayé de diviser les révolutionnaires en opposant les musulmans sunnites, armés par l’Arabie Saoudite, et les chiites par l’Iran. Avant, on ne voyait pas de différences, les femmes n’étaient pas voilées, les gens vivaient ensemble même les chrétiens et les musulmans. Furat elle-même est mariée avec quelqu’un qui n’appartient pas à la même communauté et ça ne posait pas de problème.

Tout est venu des pays voisins qui ont financé beaucoup d’imams qui manipulent surtout les jeunes. Ces imams les convainquent que la mort est plus belle que la vie.

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Ils leur disent que s’ils meurent pour dieu, ils seront récompensés après leur mort et les jeunes y croient et se laissent séduire. Ils sont persuadés que ceux qui ne croient pas en dieu comme eux ne valent rien donc qu’on peut les tuer sans problème et c’est comme ça que le frère sunnite va tuer son beau-frère chiite sans aucun état d’âme.

Enfin, le dernier élément qui aggrave la situation, c’est la présence de DAESH qui a mis la main sur la moitié du territoire syrien alors qu’il ne représente pas le peuple. DAESH s’est emparé de Palmyre, une ville antique syrienne qui fait partie du patrimoine mondial de l’humanité. 400 personnes, femmes et enfants ont été tuées certaines jetées par les fenêtres. Cette cité exceptionnelle qui n’a pas d’égale dans le monde est aux mains de l’état islamique qui risque de détruire petit à petit de superbes témoignages de l’histoire de l’humanité. Furat montre aussi aux élèves des photos de Damas, la capitale de la Syrie avant et après la guerre & d’Aleph qui a été terriblement détruite par les affrontements.

La population est prise en otage et, comme d’habitude en cas de guerre, c’est surtout les pauvres qui sont victimes du conflit. Ils n’ont pas la possibilité de partir et même si les pays occidentaux disent qu’ils les plaignent, personne n’ouvrent ses portes pour les accueillir. On veut bien les plaindre mais on ne veut pas les accueillir chez nous. C’est pour cette raison qu’ils meurent en mer parce qu’ils essaient quand même de s’enfuir. S’ils restent en Syrie, ils sont tués, alors ils tentent de s’enfuir par la mer et meurent lors de naufrages. Malgré les difficultés, il y a quand même des centaines de milliers de réfugiés syriens qui ont réussi à trouver refuge en dehors du pays.

Furat a
décidé elle aussi de partir parce que ce n’est
plus son combat. Elle, elle voulait défendre des valeurs
humanistes, défendre la liberté d’expression.
Aujourd’hui, il n’est plus question de ça en Syrie. Alors,
ça reste son pays mais ce n’est plus son combat.

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Furat est journaliste depuis 13 ans. Elle a travaillé essentiellement dans une radio qui émettait surtout à Damas, la capitale où elle était connue. Sous le régime de Bachar El Assad, les journalistes devaient suivre une ligne éditoriale. Ils savaient ce qu’ils pouvaient dire et ne pas dire. Il n’y avait pas besoin de les rappeler à l’ordre parce qu’ils s’autocensuraient. Elle précise en souriant que c’est peut-être pareil en France sauf qu’on ne le sait pas. Mais en Syrie, ceux qui dépassent les limites ont très vite de gros ennuis.
C’est hyper dangereux de couvrir le conflit syrien.

Depuis que la guerre a débuté, c’est le pays où il y a le plus de morts parmi les journalistes. 1200 ont été tués dont des reporters étrangers et même certains français.

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Il y a aussi beaucoup de journalistes qui ont été kidnappés et dont on ne sait rien, ni où ils sont, ni qui les a enlevés. C’est encore plus douloureux pour les proches. Mais Furat ne pense pas pouvoir vivre sans faire ce métier, ça fait partie d’elle. La première chose qu’elle fait le matin, c’est d’écouter les infos. C’est comme une addiction et elle ne pourra jamais arrêter.
Pourtant selon elle, on ne peut pas dire que les médias sont objectifs. Tous les pays traitent l’info suivant leur propre angle de vue. 80% des messages va être transmis en fonction de ce qu’on veut montrer et donc ce sera différent en France et en Russie par exemple. Il reste 20% seulement d’infos qui correspondent à la réalité du terrain. Les français vont plus mettre en lumière les informations qui correspondent à leur vision du monde sans forcément cacher les autres, mais en les mettant moins en valeur. Elle est un peu désolée de dire ça, surtout à des jeunes, mais elle pense qu’avant la presse révélait plus facilement la vérité et, qu’aujourd’hui, les journalistes la déforment un peu. C’est pourquoi il ne faut pas faire confiance aveuglément à un seul média.

Il faut essayer d’avoir une vision globale de l’actualité pour ne pas être manipulé par certains médias et il faut toujours garder un esprit critique.

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Par exemple, certains journalistes disent que l’Arabie Saoudite veut aider à faire partir Bachar El Assad pour apporter la démocratie en Syrie. Pourtant, en Arabie Saoudite les femmes doivent être voilées et elles n’ont ni le droit de conduire, ni de sortir seules... Comment ce pays pourrait-il apporter une démocratie qu’il n’applique pas lui-même ? C’est là qu’il faut faire attention. Il ne faut pas écouter bêtement, il faut se poser des questions et essayer d’analyser ce qu’on nous dit.

Le premier travail du journaliste, c’est d’apporter des éléments d’information pour aider les gens à faire leurs propres choix. C’est de sensibiliser le public à certaines valeurs pour qu’il puisse construire son propre jugement. Ce n’est pas d’imposer des jugements tout faits.

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Furat est venue en France parce que sa sœur y vit depuis vingt ans. A l’origine, elle était simplement venue lui rendre visite, mais pendant son séjour, il s’est passé des événements très graves en Syrie qui l’ont obligée à rester. En France, elle apprécie la chaleur humaine, la gentillesse des gens et surtout les valeurs. Les gens se respectent entre eux, tout le monde a droit à la liberté et à l’égalité, les droits de l’homme sont respectés. L’homme a une valeur en France, si les Français ne s’en rendent pas compte, elle, elle le ressent. C’est ça qui l’a attirée en France et elle aimerait un jour apporter ces valeurs dans son pays. Quand la guerre sera finie, elle y retournera pour aider à la reconstruction, car elle estime qu’elle a une responsabilité par rapport à son pays.
Son mari est encore en Syrie. Lui ne peut pas venir, elle ne peut aller le retrouver. C’est difficile, mais elle pense que ses problèmes sont moins compliqués que ceux d’autres familles. Certains ont perdu jusqu’à 4 enfants, des gens ont perdu des jambes, des bras, donc sa situation personnelle est moins grave.

Pour conclure, Furat souhaite donner un conseil aux jeunes : « Dans votre vie de tous les jours, vous devez essayer d’avoir un esprit ouvert, de discuter de vos problèmes et de vos idées avec les autres d’une façon ouverte. Restez éloignés autant que possible du racisme, du repli sur soi et même si vous n’avez pas les mêmes idées discutez-en ça ne peut que vous aider dans la vie et cela permettra que votre pays reste en paix. »

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