Le cahier de vie de Monsieur H.
Article mis en ligne le 28 avril 2017
dernière modification le 15 novembre 2017

par Aurore TASSP

Dans le cadre de mon bac professionnel Accompagnement Soins et Services à la Personne, j’ai pu effectuer un stage de cinq semaines au sein d’une Maison d’Accueil Spécialisée. Ayant déjà effectué deux autres périodes de formation dans cette structure, cela m’a permis d’enrichir mes connaissances et d’avoir une expérience plus large avec les personnes en situation de handicap et de mieux comprendre ce type de public et les situations difficiles que le personnel peut rencontrer.

La M.A.S.

La Devinière La Devinière est une Maison d’Accueil Spécialisée implantée en zone urbaine à Saint Jean De Braye, au cœur d’un quartier populaire. L’établissement a été fondé le 2 mai 1995 en réponse à la demande d’accueil d’adultes polyhandicapés.

L’association Plan d’Épargne Populaire (PEP) est financée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui ensuite verse un montant aux M.A.S. qui est réparti pour l’hébergement, l’entretien des locaux, des espaces verts, du linge, les traitements médicamenteux liés aux handicaps et les fauteuils roulants choisis en collaboration avec les tuteurs, le salaire des employés puis aussi les repas.

Le montant de l’Allocation Adulte Handicapé (minoré pour les internes) est versé à la famille ou au tuteur. Les produits d’hygiène, les vêtements, les sorties sont pris en charge avec l’argent de poche fourni par la famille. Le résident peut effectuer des achats courants en étant accompagné dans les magasins. Une facture détaillant les différents achats est fournie deux fois par an par l’établissement.

Les personnes polyhandicapées sont accueillies par des professionnels aux compétences variées. Les équipes sont unies pour proposer un cadre répondant aux besoins et aux demandes du résident et de sa famille. La vie quotidienne est une préoccupation permanente pour les équipes. Elles sont là pour aider à une meilleure communication avec l’environnement, pour encourager un échange de qualité avec les autres et faciliter le développement des potentiels de créativité et de distraction en chacun des résidents. L’établissement dispose d’une piscine : idéale pour se détendre et rencontrer d’autres résidents, et pour organiser des séances de rééducations pratiquées avec une kinésithérapeute ou une psychomotricienne. L’équithérapie permet de créer un contact avec l’animal à qui il faut donner des soins et d’approfondir le travail de l’équilibre. Il y a aussi des sorties nombreuses et variées en lien avec les centres d’intérêt des résidents.


La M.A.S reçoit 48 adultes polyhandicapés qui peuvent avoir un handicap moteur, un handicap cérébral ou les deux à la fois. La cause peut-être une maladie neurologique ou évolutive. Il y a 40 internes et 8 externes. Ils sont accueillis à partir de 18 ans et pour certains jusqu’à la fin de leur vie. L’ambiance y est très familiale.

Monsieur H.

Je me suis plus particulièrement intéressée à Monsieur H. Il a 69 ans et présente une infirmité motrice cérébrale. Monsieur H. est totalement dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne, mais il peut aider partiellement pour certains gestes. Il est incontinent total. Il ne parle pas, mais à une bonne compréhension des situations et des mots simples. Il communique à l’aide de signes et avec son cahier de pictogrammes qui est installé devant lui dans son fauteuil. Il est bien dans la relation, agréable et très souriant. Monsieur H. est intéressé par tout ce que les animateurs peuvent lui proposer. Il apprécie beaucoup l’humour. Il est arrivé à La Devinière en 2002. Au long des années, il a tissé des relations solides avec d’autres résidents et les personnes qui l’accompagnent au quotidien. Monsieur H. porte beaucoup d’intérêt pour les trains. Il aime aussi les avions, le sport (football, handball...). Il s’intéresse un peu à tout, le cinéma, les visites à la gare, les sorties. Tous les jeudis matin, il va à la messe.

Mon projet d’accompagnement

Mon projet d’accompagnement consiste à aider Monsieur H. dans la communication sur ses centres d’intérêt qui sont ces principaux sujets de discussion, mais dont il n’arrive pas à parler avec des personnes qui ne le connaissent pas. Pour cela, j’ai pensé à lui créer un cahier de vie avec tout ce qu’il aime et des moments du passé qu’il aime souvent raconter. Il le garderait près de lui avec son cahier de pictogrammes et pourrait comme ça designer de quoi il veut parler en montrant du doigt et cela aidera la personne à comprendre directement ce qu’il veut raconter.

Tout d’abord, la première semaine, j’ai évoqué mon projet avec les professionnels tuteurs de ce résident et l’ergothérapeute, puis ensuite avec Monsieur H. J’ai fait des recherches sur le résident auprès des professionnels et dans tous ses dossiers, ses synthèses, ses projets d’accompagnement…. Par la suite, avec Monsieur H nous avons sélectionné et choisi les sujets qu’il souhaitait faire apparaître dans ce cahier. Ensuite, je lui ai fait plusieurs types de propositions pour le cahier, qu’il choisisse la taille, la matière, la couleur, plastifié ou non. J’ai revu l’ergothérapeute pour lui faire part des sujets choisis avec le résident et lui présenter le modèle du cahier souhaité. Le lendemain en réunion, j’ai exposé le projet que je souhaitais réaliser, puis les professionnels l’ont validé et ont décidé de l’inclure dans le projet d’accompagnement de Monsieur H. pour l’année 2017.

Ensuite, je suis partie avec le résident et une animatrice acheter le cahier. Le financement a été fait avec l’argent de poche du résident. Pour finir, j’ai fabriqué le cahier de vie avec l’aide de Monsieur H. Par la suite, il a souhaité l’avoir à côté de son cahier de pictogrammes tous les jours et s’en est servi très régulièrement.

Mon action a répondu aux objectifs que je visais. Elle a permis que Monsieur H. puisse communiquer avec les différents personnels sur ce qu’il aime rapidement sans qu’il soit incompris. La première difficulté que j’ai pu rencontrer était de trouver un matériel adapté pour que Monsieur H. puissent l’utiliser par lui-même. La deuxième était de convaincre certains soignants de l’utiliser, mais cela a été en partie réussi. Je souhaiterais que les professionnels et monsieur H. continue de se servir du cahier de vie et de l’enrichir au fils du temps.

Ce stage était riche tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, cela m’a permis d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences mais aussi de bien travailler en équipe. Cela m’a aussi confortée dans mon souhait de vouloir travailler auprès de personnes en situation de handicap malgré les quelques difficultés rencontrées. Depuis, j’hésite encore entre le
métier d’infirmière ou le Diplôme d’État d’Accompagnant Éducatif et Social.

J’ai toujours été attirée par ce public. Ils ont moins que nous et pourtant ils sont toujours heureux. A leur contact, on se sent utile et des petits gestes banals pour nous peuvent leur changer le quotidien. Ça fait du bien de côtoyer des personnes comme Monsieur H. et de leur faciliter la vie.

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