L’Aérotrain : Du mythe au déclin d’un projet futuriste
Article mis en ligne le 3 janvier 2023
dernière modification le 3 juin 2024

par Vincent 1BTS MSE 2022-2023

Au détour d’un voyage en train d’Orléans à Paris, lorsque la tête tourne à droite, il y a la possibilité d’observer un ouvrage en béton, un ouvrage qui doit dater, puisque celui-ci est recouvert d’une plus ou moins abondante végétation.

les vestiges de l’aérotrain . Ryanblu / Wikimedia Commons

Quelles étaient les fonctions de cet ouvrage ? Pourquoi est-il à l’abandon ?
Avec un semblant de début et pas vraiment de fin, les recherches menées sur Internet, un mot saute alors aux yeux : l’Aérotrain. Au premier abord, l’Aérotrain c’est une sorte de projet qui fascine et qui intrigue. Mais qu’est-ce que l’Aérotrain ?

L’Aérotrain, un projet ambitieux...

Les années 1960-1970 sont marquées par deux projets futuristes dans le domaine du transport. Le premier résulte de la collaboration entre la France et la Grande-Bretagne : Le Concorde (1969-2002), un avion qui reliait l’Aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à Paris à l’Aéroport John-Fitzgerald Kennedy à New-York à la vitesse de la lumière (300 000 000 m/s). Le deuxième résulte quant à lui de l’idée audacieuse, farfelue et futuriste d’un ingénieur français : Jean BERTIN (1917-1975) : l’Aérotrain. Il est également à l’origine de l’inverseur de poussée qui équipe les réacteurs des avions.
Similaire en quelques points au train, l’aérotrain est un train un peu spécial, fonctionnant sur le principe du monorail, celui-ci possède une voie un peu particulière en béton, en T inversé. Il se déplace à une vitesse de croisière pouvant aller jusqu’à 500 km/h environ. L’Aérotrain se déplace sur un coussin d’air propulsé soit par un moteur à hélice, soit par un moteur linéaire électrique ou bien encore grâce à une turbine ou un turboréacteur au pétrole.
Utilisable dans différents domaines en tous points similaires à ceux d’un train classique : le transport de passager et le transport de marchandise. Ici le domaine prépondérant est celui du transport de passager certes le transport de marchandise est envisageable mais compte tenu des infrastructures déjà existantes en France tels que les routes, les canaux et les voies ferroviaires ici cela repose sur l’ordre du secondaire.
Plusieurs types de liaisons sont alors envisagés tel que :
• Les liaisons interurbaines
Les caractéristiques de ces liaisons sont :
Elles correspondent à des besoins de vitesse et de fréquences élevées des dessertes.
De 6 000 à 30 000 voyageurs par jours.
Des distances réalisables en Aérotrain mais qui sont jugés peu rentable en avion et celles qui sont longues à réaliser en voitures. Les distances évoquées sont comprises entre 60 à 100 km minimums et de 400 à 500 km maximums avec une vitesse de croisière optimale comprise entre 250 et 350 km/h.

…qui intéressa le gouvernement de l’époque et le Président Georges Pompidou…

Le 18 décembre 1967, un accord entre le Ministère des Transport et la Société de l’Aérotrain a été signé pour la construction d’une voie d’essai entre les communes de Saran et Ruan (Loiret). Le projet devait être une ligne reliant le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) d’Orléans-la-Source et la gare de Paris-Montparnasse via Saran et l’université d’Orsay en une vingtaine de minutes. Pour comparaison, un Paris - Orléans s’effectue en 1h08. De plus le terminus parisien de la ligne s’effectue à Paris – Austerlitz et non à Paris-Montparnasse. La voie d’essai longue de 18 km comporte 900 piliers de béton, deux plateformes de retournement à chaque extrémité de la voie et une troisième qui sert à l’embarquement des passagers.

essais de l’aérotrain . crédits La Rep

En 1970 un autre projet de liaison par Aérotrain devant transporter 160 passagers à 200 km/h entre la Défense et la ville nouvelle de Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise est dévoilé. Long d’une vingtaine de kilomètres, pour un coût total de 317 Millions de Francs à l’époque (aujourd’hui 48 Millions d’Euros) et avec un prix du ticket compris entre 5 et 7 francs (soit 0,76 cts et 1,07€), un prix bien inférieur à un ticket de métro/bus/RER/tram. Equipé de 17 rames, cette liaison aurait permis de transporter 160 personnes à une vitesse de 180 km/h.
Ce projet sera finalement abandonné le 17 juillet 1974 et remplacé par celui de mise en place d’un Réseau Express Régional qui entrera en service en 1977 sous la présidence de Valéry Giscard-D’Estain.
Bien que futuriste et prometteur pour l’époque, le 5 mars 1974, l’Aérotrain n°180-HV établi un record de vitesse de 430 km/h. Record qui ne sera battu par le TGV que trois décennie plus tard.

...mais fut évincé au profit d’un autre...

Dans les années 1960-1970 avec l’arrivée de l’aviation civile et la possibilité pour les français de s’acheter une automobile, la SNCF enregistre donc une baisse significative de la fréquentation du nombre de voyageurs. De plus l’avancée technique et technologique créée par l’Aérotrain de Jean BERTIN suscite chez les Français une certaine admiration et curiosité ce qui n’arrange pas la compagnie ferroviaire.
En parallèle de ce projet futuriste la SNCF développe de son côté un nouveau modèle de train, plus rapide et pouvant transporter plus de passagers en un temps record : Le Train à Grande Vitesse (TGV). Un design aérodynamique qui lui permet d’avancer plus vite et de réduire les frottements liés à l’air. Ce train est l’objet de toutes les innovations pour la SNCF à cette époque.
Alors, lorsque l’Aérotrain de la société de Jean Bertin connaît un énorme succès et un enthousiasme sans précédent aussi bien de la part des français que de l’État, la SNCF voit en ce projet dès 1968 un sérieux concurrent sur le marché du transport ferroviaire de passagers et décide de faire pression sur le gouvernement de l’époque.
Alors en 1974, avec l’avènement du nouveau président Valéry GISCARD D’ESTAIN nouvellement élu, celui-ci rompt le contrat liant l’État à la société de Jean BERTIN contrat qui avait été signé le gouvernement de Georges Pompidou. Ce qui est chose faite le 17 juillet 1974. Avec cette rupture, un effet papillon s’ensuit alors : les investisseurs se retirent peu à peu. Le projet est finalement avorté. De nombreux individus tenteront de faire disparaître pour de bon le projet notamment en brûlant les deux prototypes dans les années 1990 dont l’un été conservé dans un entrepôt de Chevilly (Loiret). Ces actes criminels ont été pour la plupart perçus comme un moyen d’enterrer à jamais ce projet futuriste.
Les raisons de l’avortement sont multiples :
Un projet jugé trop bruyant, or les études de Jean BERTIN ont démontré que l’aérotrain lancé à pleine vitesse n’exprimait que 85 dB soit une rue passante bruyante comparé au TGV qui lui en exprime 110 dB, ce qui correspond à un marteau piqueur à trois mètres de soi.
Un projet trop coûteux, or le prix au mètre carré exprimé en euros pour l’Aérotrain est nettement inférieur à celui du TGV (10,2 millions contre 25 millions).
Et enfin un projet trop compliqué à mettre en œuvre, sauf que celui possède une voie en béton suspendue par des pilotis comparé au TGV qui lui doit détruire voir déplacer de nombreux écosystèmes pour s’implanter.
On peut également citer une théorie sur la fin de l’Aérotrain : le pétrole. A l’époque l’Aérotrain fonctionnait avec cette énergie sauf qu’en 1973 eut lieu le premier choc pétrolier de l’Histoire ce qui mettra en péril le projet puisque le prix du baril avait considérablement augmenté. Bien qu’à l’origine les trains fonctionnaient au charbon, l’électrique s’est imposée aux 19ième siècles. Pourtant, alors que la plupart du parc ferroviaire fonctionne à l’électricité. La SNCF envisage dans un premier temps pour son projet de TGV, de le faire fonctionner en utilisant l’essence ! Or, avec le premier choc pétrolier de 1973, la SNCF change son fusil d’épaule et décide de revoir à zéro son projet et de passer à l’électrique. Il s’en est fallu de peu pour que le projet de la SNCF connaisse le même sort que l’Aérotrain.
La voie d’essai désaffectée depuis 1978, a été labellisée Patrimoine XXème siècles car sa démolition aurait coutée 13 millions d’euro.

…et qui va renaître de ses cendres ?

Près de 50 ans après la « fin avortée » de l’Aérotrain, l’entreprise Spacetrain essaye de faire renaître de ses cendres le projet de Jean Bertin, mais en version 21ième siècle.
Pour cela Spacetrain reprend les principes de l’Aérotrain mais en les modernisant.

Spacetrain est une société créée par Emeuric Gleizes, en 2016. Son principal objectif était de tester en 2020, un premier prototype sur l’ancienne voie d’essai. Il était question également d’y effectuer des travaux de rénovation qui s’élèverait à 13 millions d’euros.
En 2019, lors du 53e Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace à Paris-le-Bourget, une maquette est présentée au public. Petite anecdote, c’est en juillet 1969, lors de ce même salon, que Jean Bertin exposait son prototype d’Aérotrain I80 250.
Le projet consiste à créer une liaison entre Paris et Orléans en quinze minutes contre 1h20 en moyenne en TER actuellement grâce à une navette sur coussins d’air propulsée à l’hydrogène à plus de 500 km/h,
Dans les locaux de l’entreprise située à Cercottes dans le Loiret, plusieurs points sont menés de front :
Le premier est un dispositif sur coussins d’air appelé également la sustentation. Ce dispositif devrait permettre au train de se surélever à 3 mm au-dessus du rail à très grande vitesse.
Le deuxième sera de réalisér des essais grandeur nature qui jusque-là n’ont été réalisés que sur ordinateur. Afin de corriger différents problèmes techniques.
Concernant la propulsion, l’idée est de coupler aux cousins d’air, un moteur linéaire à hydrogène qui sera alimenté par des batteries lithium-ion.
Pour réduire son empreinte carbone et réduire également l’encombrement du carburant qui est l’hydrogène, celui-ci sera comprimé à 700 bars. Selon les ingénieurs, avec 114 kilogrammes d’hydrogène, l’autonomie du train sera de 600 km.
Ne reste plus qu’à convaincre des investisseurs privés, le Ministère des Transports, l’Etat, la Région et Orléans-Métropole. Sans oublier, le tracé de la future ligne et ses différents points d’arrêt. Affaire à suivre donc.